Quand les autorités communales ont annoncé qu’elles allaient supprimer l’éclairage public dans les rues non prioritaires, j’ai pensé que c’était une bonne idée, pour économiser l’énergie. Je m’imaginais alors que les particuliers allaient tout de même allumer leurs guirlandes lumineuses pour le début de l’Avent et je me réjouissais de voir ces illuminations scintiller dans une nuit bien sombre.

Lors des premières nuits sans lampadaires, la nuit tombait tôt, elle était de suite noire. Pour retrouver la voiture à quelques mètres de la maison, la petite lampe à détecteur était la bienvenue.
Alors que je pestais habituellement contre celle des voisins qui s’allume à chaque passage d’un chat et au bruissement de nos branches de tamaris, je trouvais soudain agréable cette douce lueur qui atténue l’obscurité.
Dans les rues des villages voisins, les longues lignées de lampadaires paraissaient soudainement excessives, disproportionnées. De retour à l’entrée de notre rue sombre, j’accrochais mon regard aux bâtons à neige brillant de leur pauvre catadioptre, uniques balises de bord de rue. Quant aux candélabres, je scrutais leur long cou à la tombée du jour ; ils se dressaient tels des mâts inutiles et délaissés. Une lueur semblait effleurer leur ampoule, lueur fantôme, feu follet laissé à l’abandon. Je n’avais jamais pris conscience que j’aimais les lampadaires !

A l’arrivée du temps de l’Avent, personne sur les échelles, pas d’essayage de lumière, aucune tentative de coup d’éclat. La rue restait sombre et j’ai vite compris que mes voisins comptaient suivre à la lettre des recommandations que j’avais à peine écoutées. Je m’énervais du fait que ces recommandations aient été faites par crainte du manque d’électricité plutôt que par souci de sobriété, par respect pour la planète…
L’obscurité ne m’avait jamais semblé aussi épaisse. A peine la nuit tombait, tout était sombre autour de la maison. Et même à l’intérieur, comme nous avons toujours essayé d’utiliser l’électricité parcimonieusement, nous illuminons une seule chambre à la fois. Le passage d’une pièce à l’autre était alors presque déprimant. Cette obscurité me rendait triste… Il fallait trouver quelque chose !
Alors que je repousse habituellement le moment de grimper au galetas, de déplacer cartons, cornets et colis pour extraire notre renne de lumière (orné de lumières led évidemment), je l’aurais fait avec grand plaisir cette fois-ci.

La porte du galetas est restée fermée et je me suis mise à découper des étoiles de mousse pour en faire des guirlandes dorées sur notre porte. J’ai disposé deux bougies dans de jolies lanternes de part et d’autre de la porte. Depuis le 1er décembre, chaque soir, je sors allumer mes bougies. Après quelques jours, j’ai observé que des voisines déposent aussi des lanternes sur le rebord de leur fenêtre… Les voir scintiller m’a donné le courage de sortir alors que la flemme m’aurait peut-être retenue les soirs de grand froid !

Prendre le rôle d’allumeur de réverbère cher au Petit Prince en sortant dans le froid à la tombée de la nuit, la boite d’allumettes à la main, m’a permis de dépasser la morosité du moment, d’observer autour de moi et de sourire à la lumière.

Depuis lors, le temps de l’Avent et de Noël sont dépassés depuis longtemps. Les autorités communales ont fait installer des réverbères à détecteur dans notre rue. Nous profitons de la nuit sombre et de l’éclairage en cas de besoin uniquement… Maintenant, passage à l’heure d’été !

Hiver 2022, conclusion au printemps 2023