Un petit tas au coin d’une étagère. Un brun, un beige, deux bleus, un rouille… Mes foulards s’entassent là, attendant le retour des petits matins frais, l’envie de conserver le plus longtemps possible la douceur de la maison, le besoin de se protéger des agressions du froid et des intrusions malvenues. Jamais chiffonnés, toujours prêts au départ, vite embarqués, rarement passés en machine, ils emportent avec eux le parfum d’un soir, l’odeur d’un bon resto, le velouté d’une soirée en amoureux…

Celui-ci est particulier. Très fin, presque diaphane, à peine rêche, il est brodé de fils d’or, orné de délicates feuilles allongées. Je l’ai reçu par une lointaine cousine par alliance en fin de soirée. Juste avant le départ, elle apporte un gros carton plein d’huiles, d’épices, de céréales et de deux foulards qu’elle a peints elle-même.

Cette cousine vit dans un pays musulman, elle fait partie de ces femmes qui cachent leurs cheveux par respect pour leur mari et pour Allah. Elle partira quelques années plus tard exercer son métier d’enseignante en Arabie Saoudite. Quand je porte ce foulard autour du cou, j’ai l’impression de vivre un peu de sa vie. Pourtant, tout nous sépare : la langue, nos habitudes, nos manières de vivre et de nous habiller, nos façons d’envisager la vie… Si peu nous relie, si ce n’est le souvenir de son sourire si joyeux et lumineux, alors qu’elle était encore enfant et moi jeune mariée, et ce foulard, par delà les frontières, par delà les préjugés, par delà les incompréhensions…

Texte écrit en août 2017 pour
le blog d’écriture Ecriture créative