Pour Elsa
et pour ceux et celles qui aiment connaitre la vraie histoire des choses,
voici la véritable histoire de la petite boite cachée sur l’étagère du galetas.

Alors que je n’étais plus toute petite, mais pas encore tout à fait grande, je faisais des colonies à la montagne pendant les vacances d’été. Dix jours au grand air à marcher jusqu’au haut des sommets, à jouer au ballon, à chercher des trésors cachés dans un recoin secret du chalet, à bricoler, à chanter, à rigoler. Mais le soir, nous n’étions même pas fatigués. Une fois les moniteurs rassurés par le calme apparent régnant dans les couloirs, une nouvelle vie s’organisait. Escapades d’une chambre à l’autre, lecture à la lampe de poche dans les sacs de couchage, pique-nique improvisés… jusqu’à que la fatigue gagne du terrain et que nous nous endormions enfin.

Une année, juillet 1983, alors que la colonie battait son plein, un régiment de militaires arriva sur le terrain de gravier devant le chalet. Ils débarquèrent des camions des sacs et des caisses en tous genres et s’installèrent. Les soldats logeaient dans des tentes dispersées sur le versant de la montagne et les officiers dans des chambres, dans une autre aile de cet immense chalet.

Nous étions impressionnés de voir les soldats faire la queue pour se servir des repas déposés dans d’immenses récipients de métal. Nous les comparions avec les plats des officiers attablés confortablement. Nous avions un brin de pitié pour ces pauvres soldats traités à la dure.

Le soir, je dormais avec cinq ou six copines dans une chambre presque à plein pied à l’arrière du chalet, dont la fenêtre donnait sur un talus herbeux. Alors que nous étions couchées, nous entendions les soldats passer derrière nos volets. Nous est alors venue l’idée de leur préparer une petite surprise. Très silencieusement, alors que l’une de nous faisait le guet derrière la porte, nous avons cherché des biscuits et des bonbons dans les paquets reçus de la maison. Nous avons collé un message sur l’extérieur du volet: “Pour les militaires, servez-vous! C’est de la part des filles de la colonie. Laissez un autographe pour chaque fille de la chambre, s’il vous plait!” Dans l’enveloppe fixée elle aussi au volet se trouvaient six petits billets et un stylo.

Nous attendions, couchées dans nos sacs de couchage, retenant notre souffle, impatientes de savoir ce qui allait se passer. Après quelques instants, de grosses voix s’exclamèrent: “Qu’est-ce que c’est que ça?” Les voix s’approchaient. Nous entendions des cris de plaisir à la découverte des bonbons et des biscuits. Certains ne comprenaient pas pourquoi il fallait signer six billets. Un autre le leur expliquait.

Le lendemain, toutes émoustillées, nous avons ouvert les volets et retiré les billets de l’enveloppe. Chacune en a pris un qu’elle a gardé précieusement. Quand nous traversions la cour, nous nous demandions lesquels de ces soldats avaient pu bénéficier de nos surprises et signer nos billets, qui pouvait être Pierre-Alain ou Olivier.

Peu après, le régiment a plié bagage et s’est dirigé vers une autre vallée de montagne.

Rentrée à la maison, j’ai caché le billet dans une jolie petite boite d’allumettes que m’avait donnée un ami, décorée d’un gros coquillage et de petits cailloux. J’aimais passer l’ongle de l’index dans les nervures du coquillage ou caresser le cuir doux qui recouvre le dessous de la boite. Celle-ci m’a suivie dans bien des déménagements et elle est maintenant cachée sur une étagère de mon galetas où elle n’attendait qu’une histoire pour livrer son secret.

Ketsia Sâad-Hasler
Juin 2016

NB: Les lecteurs de “Chut, regarde…” auront-ils reconnu l’histoire véridique de “La petite boite”… ?

J’ai aussi préparé une version courte de cette histoire, illustrée de photos: à découvrir !