C’est peu de temps avant Noël, dans un village d’Alsace. Ce sapin se dresse en bordure d’un jardin, devant une maison sans importance particulière. On a décoré le petit arbre de jolies guirlandes et de boules de lumières. Il est fier de ses couleurs vives et surtout de sa pointe toute rouge. Le jaune, l’orange, le doré soulignent son beau vert foncé. Les passants le remarquent à peine, mais lui a tout le temps d’écouter et d’observer ce qui se passe sur le trottoir.
Dans les semaines qui précèdent Noël, la rue est bien animée. Des visiteurs arrivent des quatre coins de France et même de l’étranger pour visiter le marché de Noël qui s’étale dans toutes les ruelles du village. Des stands de toutes sortes attirent les clients, petits et grands. Pains d’épice, nougat, jouets, santons, décorations scintillantes, poteries, gants et bonnets, la liste est bien trop longue !
Le petit sapin écoute toutes les conversations. Il n’entend que des bribes bien sûr. Mais cela lui suffit pour s’étonner de ce qui intéresse les passants : ce qu’ils ont mangé avant de venir, ce qu’ils vont gouter au marché ou ce qu’ils vont déguster ensuite, à l’auberge. Décidément, ces gens-là ne pensent qu’à manger !

Dans le même village d’Alsace se trouve aussi Auguste, un pauvre vieillard. Il n’a plus de famille, que peu d’amis et presque pas d’argent. Alors quand vient la période de Noël, il se déguise en Père Noël. Oh, il n’est pas bien glorieux. Son manteau a déjà été rapiécé plusieurs fois, ses chaussures sont si usées qu’elles ne protègent plus ses pieds de la pluie ou de la neige. Reste la barbe ! Une barbe bien blanche qu’il entretient soigneusement tout au long de l’année ! Il la lave, la brosse, mais ne la coupe pas souvent. Cela impressionne toujours les enfants qui le scrutent attentivement et auraient parfois envie de tirer dessus pour vérifier si elle est vraie…
Quand la nuit tombe, notre Père Noël prépare une grande marmite de thé chaud, il y ajoute de la cannelle et des étoiles d’anis avant de la charger sur un petit chariot. Il va s’installer au coin de la rue, en plein milieu du marché de Noël. Il propose son thé aux passants et reçoit ainsi quelques pièces.
Lui aussi a l’occasion d’écouter et d’observer… Puisqu’il n’est pas jamais invité pour le soir de Noël et qu’il ne fera pas de repas spécial, c’est sa manière de profiter de la fête. Il se réjouit de voir les enfants courir d’un stand à l’autre, s’émerveiller devant les belles décorations ou supplier pour obtenir une friandise. Il est aussi parfois témoin de scènes moins réjouissantes. Il arrive que des couples se disputent, que des parents grondent leurs enfants ou que des personnes avancent seules et tristes… Auguste se demande alors où se trouve la magie de Noël…

Au coin du parking du même village, là où s’entassent la plupart des voitures parquées par les visiteurs du marché se dresse un immense tas de neige. En effet, de grosses chutes de neige ont eu lieu il y a quelques jours et les chasse-neiges ont déblayé le parking, formant un immense tas. Les enfants du village en ont profité pour faire un joli bonhomme de neige, placé tout en haut ! Une grosse boule allongée pour le corps et une plus petite, toute ronde pour la tête. Ils lui ont mis un bonnet rouge, trois boutons rouges aussi et une écharpe bleue. Il sourit de ses yeux noirs, très malicieux.
Plus tôt dans l’après-midi, les enfants sont venus se glisser sur le tas de neige, avec des luges, des bobs et même parfois sur leurs pantalons ! Ce qu’ils ont pu rire, se pousser, lancer des boules… Heureusement, personne ne s’est fait mal et ils sont repartis tout contents. Le bonhomme a entendu qu’ils avaient rendez-vous, qu’ils devaient se dépêcher. Il se demande bien ce qu’ils avaient à faire ainsi au milieu de l’après-midi, apparemment c’était bien plus important que de faire un petit tour au marché de Noël qu’ils ont déjà tous visité en long et en large, il le sait bien.

Pour le moment, la nuit est tombée sur le petit village d’Alsace. Les guirlandes lumineuses oscillent doucement sous le vent du soir. De faibles lueurs brillent derrière les fenêtres. Le parking est presque complet. Personne ne remarque en passant le bonhomme de neige au sommet de sa montagne. Les visiteurs sont bien trop occupés à repérer leur chemin, à tenir leurs enfants par la main et à éviter de glisser sur le trottoir.
Soudain les cloches de l’église se mettent à sonner à toute volée. Elles semblent inviter les passants. Évidemment, le bonhomme de neige ne peut pas se déplacer, pas plus que le sapin de Noël coloré ! Suite aux cloches, une douce musique s’élève. Elle provient de l’église elle aussi, elle s’échappe par les portes ouvertes. Les badauds, intrigués, tournent la tête. Certains se dirigent vers le bâtiment, attirés par la jolie mélodie ; d’autres poursuivent leur chemin. On reconnait maintenant des chants de Noël bien connus, ils se propagent dans toutes les ruelles du village. Le sapin et le bonhomme de neige les écoutent, les pieds dans la neige. Le Père Noël les entend aussi, cela lui rappelle le temps où il était enfant et où il chantait devant le sapin illuminé. Sans réfléchir vraiment, il laisse sur place son petit chariot et son thé chaud et se dirige vers l’église. Cela fait bien longtemps qu’il n’y est pas entré.
A la porte, ses yeux s’écarquillent. Il fait plutôt sombre à l’intérieur, mais des centaines de bougies scintillent doucement et son regard se dirige au pied du grand sapin vers un groupe d’enfants qui forment une crèche vivante. Il y a là Marie, Joseph, un bébé couché dans la paille, des mages, des bergers et même de vrais agneaux. Le cœur du vieil homme en est tout retourné. Alors que de nombreuses personnes sont debout entre les bancs et chantent à pleine voix « Voici Noël, ô douce nuit… », Auguste n’entend plus rien. Son regard est fixé vers la crèche. Il s’avance doucement et s’arrête tout devant. Marie lui sourit, puis le bébé aussi. Auguste sent alors une immense chaleur envahir son cœur et une grande joie ! C’est Noël !

Ketsia Hasler
Noël 2022